Face à une perte de compétitivité inédite, accompagner davantage les agriculteurs
Loi Duplomb, DNC, future Pac, aléas climatiques... Les sujets agricoles de l’été sont denses et loin d’être réglés. Et leurs conséquences sur les filières sont d’autant plus préjudiciables qu’en parallèle, la compétitivité de l’agriculture française s’érode fortement, comme l'illustre le solde agroalimentaire de 2025 qui pourrait bien atteindre son plus bas niveau depuis 1978.
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En cette rentrée qui suit un été agricole chargé, les chambres d’agriculture ont fait le point sur les dossiers du moment, insistant tout d’abord sur l’importance de mener à bien la stratégie de lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse, via la vaccination obligatoire. Face au sujet, complexe, de l’abattage total, le travail des chambres s’est concentré sur l’accompagnement des éleveurs, un accompagnement humain, économique, mais également psychologique, a rappelé Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France, le 18 septembre.
Une érosion inédite de la compétitivité agricole française
En parallèle, les aléas climatiques continuent de peser sur les filières françaises, renforçant la tendance baissière observée au niveau du commerce extérieur. En 2024, l’excédent commercial agroalimentaire français n’a pas dépassé les 4,9 milliards d’euros, soit le plus faible depuis 25 ans, a indiqué Thierry Pouch, responsable du service Etudes de Chambres agriculture France. Et la situation s’aggrave en 2025, avec une perspective de déficit sur l’année, « une situation inédite depuis 1978 ». Depuis janvier, l’excédent commercial français n’est que de 1,2 milliard d’euros, en recul de 82 % par rapport à 2024, explique l’économiste.
Si ces chiffres confirment l’érosion de la compétitivité de la France en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, la situation est-elle uniquement provisoire ? On constate, en tout cas, une tendance nettement baissière de mois en mois depuis janvier 2024, détaille Thierry Pouch, avec « un accroissement des exportations très modeste de + 1 % face à une augmentation de 16 % des importations ». Certains mois, la contraction peut s’avérer « vertigineuse », estime-t-il avec, notamment, un recul de - 5 833 % en mai 2025 par rapport à mai 2024.
Dans le détail des filières, le solde des céréales connait des difficultés, avec - 17 % entre juillet 2024 et juillet 2025, en lien avec la faible récolte 2024 qui a limité les disponibilités. « Cette année, plusieurs choses se sont accumulées : la concurrence de la Russie, l’extrême abondance de la récolte dans le monde, et la parité euro-dollar qui a apporté un préjudice très significatif », détaille Thierry Pouch. Ce dernier phénomène semble par ailleurs appelé à se prolonger. Les difficultés d’accès au marché algérien, et le ralentissement économique de la Chine pèsent également sur les capacités françaises à exporter le grain.
Néanmoins, la dégradation du solde positif de la balance commerciale française est également liée aux produits laitiers, dont l’excédent à diminué de 37 % entre juillet 2024 et juillet 2025. Les fruits et légumes constituent le déficit le plus important.
« Aider les agriculteurs à aller chercher cette compétitivité »
« Revenir à la balance commerciale de 1978, c'est frappant », s'alarme Sébastien Windsor. Si cette dégradation était prévisible depuis une dizaine d’années, aujourd’hui « on continue à s’enfoncer dans la dépendance alimentaire avec tous les risques géopolitiques que cela amène », déplore le président des Chambres d’agriculture. En cette période de rigueur budgétaire, la contraction de l’excédent commercial a une deuxième conséquence, économique : « c’est de l’argent que l’agriculture et l’agroalimentaire ne ramènent plus dans les caisses, à un moment où l’on parle de réduire les déficits », souligne Sébastien Windsor.
Face à cette situation, « on s’inscrit dans cette mission d’aider les agriculteurs à aller chercher cette compétitivité », via l’optimisation des pratiques, la diminution du coût des intrants, l’augmentation de la capacité à produire, explique-t-il.
« Ensuite, si l’on veut sortir de cette dépendance, il faut aussi retrouver une dynamique et emmener les projets chez agriculteurs », avec une réflexion stratégique pour développer les projets de territoires et les plans d’action par région, en incluant la transformation, ajoute Sébastien Windsor. Néanmoins, « on pourra difficilement agir tout seul si la France, l’Europe, ne nous aident pas à maintenir cette compétitivité », rappelle-t-il. Côté français, il évoque la loi Duplomb et l’impossibilité d’utiliser des néonicotinoïdes autorisés en Allemagne et en Belgique.
Des inquiétudes renforcées par les annonces sur la future Pac
Côté européen, ce sont les annonces de l’été concernant la Pac post-2027 qui inquiètent les chambres d’agriculture et ajoutent « de l’anxiété » explique Guillaume Lefort, vice-président de Chambres d’agriculture France.
Ce dernier dénonce un budget en baisse, à 294 milliards d’euros contre environ 386 aujourd’hui, et une dilution du budget spécifique avec d’autres fonds (cohésion, développement des territoires, migration...). Parmi les principaux points d’inquiétude figurent aussi les contours assez flous de la dégressivité des aides. Les chambres d’agriculture saluent cependant l’annonce d’un guichet unique pour le renouvellement des générations, et le soutien à la transition sur base de projets volontaires des agriculteurs. La stabilité du pourcentage qui serait dédié à la France, annoncé cette semaine par Bruxelles, pourrait également constituer un soulagement.
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